Big Fernand, et la stratégie de rupture du Fast Good

Dans un pays comme la France, le fast-food a cette image partagée par tous de malbouffe. Standardisation, nourriture grasse et non équilibrée, industrielle et américaine, McDonald’s est le fleuron de ce segment attaqué de toute part dans les médias et dans l’imaginaire collectif. N’avez-vous d’ailleurs jamais culpabilisé d’avoir osé manger un Big Mac ou un Kebab ? Avouez-vous toutes les fois où vous emmenez vos enfants chez McDo ?

Pourtant, le fast-food est un acteur majeur de la restauration. Le burger a même détrôné le traditionnel jambon/beurre depuis quelques années. Au pays de la gastronomie, de la baguette croustillante et du camembert, une révolution en douceur s’est installée. Contre les injonctions du manger sain, contre l’image d’un pays de consommateurs ambassadeurs de leur gastronomie.

C’est que le format du fast-food répond à de nombreuses attentes. Rapidité, uniformisation des recettes et des goûts, accessibilité géographique, prix abordable, hygiène, image de jeunesse ou de partage familial. Ces critères correspondent aux frontières originels du fast-food, partagés autant par McDonald’s que Quick, Burger King ou d’autres.

L’arrivée de ce que l’on appelle aujourd’hui le Fast-Good a revu la donne et a créé un nouveau segment de marché. En modifiant et faisant évoluer les critères du fast-food, mais aussi en s’adressant à une nouvelle clientèle, auparavant réfractaire au fast-food et à la consommation de burgers dans les enseignes existantes. Le mieux-manger étant une des injonctions sociétales fortes, il fallait bien que cela bouge et que de nouveaux entrants créent de nouvelles positions.

Big Fernand est sans doute l’acteur qui est allé le plus loin dans la création du nouveau modèle Fast-Good. La courbe de valeur de Big Fernand se distingue en cela nettement du canevas stratégique du Fast-Food (cf. illustration).

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Big Fernand s’est créé un nouveau marché, tout en restant sur le produit « burger », sans même se confronter à la concurrence de McDonald’s ou des autres. Ils ont conservé les bénéfices du Fast-Food, sans l’investir davantage et sans se battre sur les critères de base du secteur. Ils n’ont pas cherché à être plus rapide, plus accessible ou moins cher. Ils n’ont pas proposé un nouveau Burger emblématique, sur les mêmes bases que les burgers « industriels » de Quick ou McDo. La nouvelle enseigne avait au contraire créé de nouveaux critères de marché qui lui ont permis de diverger. Elle s’est aussi focalisée sur les points faibles des principaux acteurs pour créer de la valeur. Ils ont fait « autre chose » qui n’existait pas, tout en restant dans le « fast » du fast-food.

L’expérience client et le produit Burger lui-même sont la base de la focalisation de leur stratégie.

Sur l’expérience client, ils se sont différenciés par un service sympathique et original, avec parfois des prises de commande directement dans la rue par un Fernand en casquette qui vous tutoie et vous raconte des blagues. Un Fernand plus acteur que vendeur ! Elle est loin la prise de commande indifférenciée au milieu de l’odeur de friture. Ils ont créé un « Fast » plus sympa qui donne vie au côté le plus standard et machinal du fast-food.

Sur le produit, ils sont passés de la « Food » au « Good ». Ils ont revisité le sandwich connu de tous pour créer un burger gastronomique, basé sur des ingrédients de qualité. Une vraie viande bovine racée, gouteuse, non surgelée, d’origine française, et un buns de boulanger, qui sort davantage de chez l’artisan du coin que de la chaîne d’usine dont ne sait où. Souvent délaissée, les Fernandines ont également remplacé les standards frites surgelées, et les sauces sont faites maison, tel un chef saucier de restaurant. Revoilà une recherche gastronomique qui était totalement mise de côté par le secteur.

Par ces critères, ils ont largement fait évoluer le marché en se focalisant sur une nouvelle clientèle. Ils ne sont pas partis à la chasse aux clients de McDo ou Quick, ils sont au contraire partis à la conquête de nouveaux territoires. Les familles, les jeunes ados, les classes populaires à sensibiliser à coup de spot publicitaire prohibitif n’ont pas été leur objectif. Ils se sont intéressés à ceux qui tournent le dos aux fast-food. Ceux qui n’osent avouer avoir dévorer leur burger dégoulinant. En voilà une stratégie originale : aller chercher ceux qui a priori ne devraient pas vous aimer ! Cette recherche du non-client est à la base même d’une stratégie de rupture qui, avec le Fast-Good, a parfaitement fonctionné.

Ils ont enfin adopté une véritable stratégie de divergence. Ce qui fait leur différence avec l’enseigne Blend par exemple ou d’autres acteurs du fast-good, c’est qu’ils ont créé de nouveaux critères, à contre-pied de l’univers du burger. En revendiquant leur francité, jusqu’à l’excès, et en adoptant un ton humoristique et décalé. En ne proposant plus un hamburger, mais un hamburgé, en délaissant les anglicismes pour nommer les produits de leur carte de prénoms bien français (Bartholomé, Lucien…)

Déplacement des critères du fast-food, divergence de leur territoire, surfe sur certaines tendances de fond (made in France, recherche de gastronomie…), autant d’éléments de rupture avec l’univers du fast-food originel tel qu’apparu depuis la fin des années 70. Une bonne stratégie, c’est aussi un bon slogan, simple et clair, qui dit tout. « Big Fernand, le hamburgé français gourmé et gourmand » pourrait être celui-ci.

De toute évidence, le Fast-Good est un ancrage de notre temps qui a envahit tout le secteur, du burger au kebab, du thaï aux saladeries, et bien d’autres. En restaurant la restauration rapide, il a amené du goût à des bénéfices fonctionnels qui devaient se renouveler. Il a conquis de nouvelles clientèles urbaines qui lui tournaient le dos.

Mais comme toute stratégie de rupture, celle-ci se banalise au fur et à mesure. Le supermarché comme le fast-food ou la chaîne hi-fi. Big Fernand comme les autres acteurs de cet univers sont sans doute dans une nouvelle phase. De renouvellement, de transformation ou de consolidation.

 

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Prochainement, le « selfisme »…

24/10/2018
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